Je passe une bonne partie de mes journées avec des gens en situation de souffrance au quotidien. Je relate aujourd’hui le cas d’Emma, bourreau de travail qui vit un épuisement professionnel.
Elle fait partie depuis un an d’une équipe de trois conseillers, qui assistent les employés lors des retours au travail progressif en entreprise. Depuis quelque temps, elle commence à s’épuiser, elle n’a pas le sentiment de travailler adéquatement. Un de ses collègues lui a fait remarquer qu’elle ne gère plus son stress professionnel comme avant. Il l’a aussi mis en garde contre les risques de surmenage et d’épuisement liés au travail.
Là où ça se corse!
Elle ressent beaucoup de stress au travail, on lui demande d’écourter son temps d’intervention dans les dossiers. Son gestionnaire lui suggère fortement de traiter ses dossiers au téléphone ou par Zoom. Elle perçoit cette demande comme une exigence excessive. Pour elle, ce travail nécessite de rassurer les employés, et comment faire sans contact personnel ?
Elle craint pour l’équilibre émotionnel de certains individus. De son côté, elle ressent aussi une forte surcharge émotionnelle. Elle vit un sentiment d’échec au quotidien et elle se sent coincée, car elle ne peut dire non aux uns et aux autres.
Petit à petit, elle présente des signes avant-coureurs de fragilité et d’épuisement. Cela dépasse la simple fatigue. Elle finit par développer une fatigue physique importante et un état d’épuisement mental préoccupant. Elle se demande si elle fait une dépression ou une autre pathologie reliée à la santé mentale. Elle vit de l’insomnie et d’autres symptômes dépressifs. Elle dit être en état de stress chronique. Elle finit par s’épuiser à la tâche, la souffrance psychique devient de plus en plus lourde. Elle craint l’arrêt maladie.
J’ai pris l’appel d’un gestionnaire assez décontenancé qui se demandait quoi faire. Voici ce que j’ai suggéré:
Trouvez un bon moment pour parler avec Emma et lui dire délicatement que vous avez noté certains changements dans ses comportements et que vous êtes préoccupés par sa santé mentale au travail.
Tendre une oreille attentive et bienveillante. Soyez ouverts et ne tombez pas sur la défensive. Posez des questions pour mieux comprendre sa situation. Évitez de vous justifier, laissez à des professionnels le soin de vous aider tous les deux.
Si vous le pouvez, proposez-lui les services d’une ressource experte pour lui venir en aide physiquement et émotionnellement, et manifestez sincèrement votre intention de collaborer afin de discuter des conditions de travail et de la charge de travail en particulier. Manifestez votre ouverture à trouver les solutions nécessaires afin qu’elle recouvre un sentiment d’accomplissement et de santé au travail.
Le choc des valeurs:
La rencontre avec Emma nous confirme que les causes déterminantes de son épuisement psychologique progressif sont en rapport avec le milieu professionnel. Elle ne peut se résoudre à effectuer son travail tel que son patron l’exige. Pour elle, la solution proposée n’a pas de sens, évacue toute la qualité de son travail, et met en péril la réussite des retours au travail. Elle ne peut supporter le travail mal fait. Elle doit choisir entre ses valeurs et celles proposées par son patron. Elle vit une perte de sens et elle note de plus en plus de cynisme dans ses propos. Elle n’en peut plus de lutter contre l’épuisement.
Ce phénomène connu et bien documenté en psychodynamique du travail s’appelle un conflit de valeur au travail. Ses répercussions sur la santé mentale peuvent mener au désengagement professionnel et à l’épuisement émotionnel, voir au burn-out.
Ma rencontre avec le gestionnaire a permis d’exposer la situation et de lui expliquer le sentiment d’épuisement et la souffrance vécue lors d’un conflit de valeur au travail. Il m’a assuré de sa collaboration pour trouver une solution à l’épuisement mentale d’Emma.
Animer un dialogue constructif entre l’employé et le gestionnaire:
À priori, je propose à Emma de voir son médecin et/ou un psychologue car la fatigue émotionnelle rapportée était préoccupante. Ensuite, j’ai fait valoir la nécessité d’aborder la question avec son gestionnaire pour agir sur les causes du problème liées au travail. Agir en prévention des risques est primordial pour aboutir à des résultats concrets face à l’épuisement.
La rencontre tripartite, cet incontournable:
J’ai organisé et animé une rencontre avec Emma et son gestionnaire. Je voulais savoir si le problème provenait d’une surcharge de travail ou de certains autres facteurs de stress reliés à la vie personnelle. Pouvait-il s’agir de la capacité d’adaptation d’Emma ?
Elle et son gestionnaire étaient d’accord sur un point, les autres conseillers parvenaient à effectuer leur travail sans problème. Le gestionnaire se montrait ouvert à la laisser effectuer son travail en intervenant directement avec les employés, mais il fallait que le nombre de dossiers traités s’améliore.
J’étais déterminé à épuiser tous les moyens pour trouver ce qui clochait dans son environnement de travail et qui pouvait expliquer son épuisement professionnel et son absence d’accomplissement personnel. C’est en explorant son ressenti au travail que j’ai appris qu’elle ne se trouvait pas compétente et qu’elle manquait de confiance en elle.
Se mettre d’accord ensemble sur une solution, c’est faire un pas vers l’amélioration de la santé.
Les discussions ont mis en lumière que la formation initiale reçue par Emma était rudimentaire, et qu’elle n’avait jamais reçu tous les outils pour bien accomplir son travail. Nous sommes tous venus à la conclusion qu’elle avait un besoin de formation.
Dès qu’elle s’est engagée sur la voie d’une nouvelle formation complète, son humeur s’est transformée. Sans trop de problèmes, elle a pu corriger certaines façons de travailler. Elle a pu constater de l’empathie et du soutien social de la part de son milieu de travail.
Le manque de confiance en elle et son sentiment d’incompétence font désormais partie du passé, son état de fatigue aussi. Son travail est soigné à nouveau, elle a repris l’activité physique, et bien évidemment, elle se sent beaucoup mieux maintenant. Ses efforts sont récompensés, elle a réussi à se sortir du burn-out. Le sentiment de travailler à l’encontre de ses valeurs a disparu.
Aujourd’hui, elle mène un travail pour éviter et prévenir l’épuisement des personnes touchées par le syndrome d’épuisement. Éviter l’arrêt de travail et les fâcheuses conséquences professionnelles reliées aux pathologies psychiques viennent aussi compléter son engagement en santé mentale au travail. Eh oui, parfois la perte d’équilibre peut engendrer du positif.
Amélie
Ta coach
Commentaires